Sommet sur la sûreté nucléaire – Discours du premier ministre, François Fillon

(Kiev, 19 avril 2011)

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le monde a connu à Tchernobyl le plus grave accident nucléaire de l’Histoire et il aura fallu 25 ans d’efforts pour que ce matin nous soyons en mesure d’annoncer qu’une nouvelle page allait être tournée. Et que l’avenir de Tchernobyl allait désormais pouvoir de nouveau être regardé avec une certaine sérénité.

Si nous sommes réunis cet après-midi et je veux en remercier particulièrement le président Ianoukovitch, c’est aussi parce que cette année, le 11 mars, une nouvelle catastrophe nucléaire est survenue à Fukushima. A l’heure actuelle l’accident de Fukushima n’est d’ailleurs pas terminé. Nos amis japonais continuent de lutter avec beaucoup de courage pour éviter une aggravation de ses conséquences et pour maintenir sous contrôle une situation qui demeure précaire.
La définition de solutions pérennes, l’évaluation du bilan final, humain et environnemental, ainsi que le retour d’expériences n’en sont qu’à leur commencement et devront se poursuivre.

Ce que nous inspire l’accident de Fukushima, c’est d’abord un sentiment d’échec puisque, après Tchernobyl, tous les pays exploitants des centrales nucléaires avaient pour objectif qu’un accident d’une telle gravité ne se reproduise pas, même si les deux évènements ne sont pas comparables.

Celui de Fukushima a été le résultat d’une catastrophe naturelle exceptionnelle qui a fait plus de 25.000 morts et disparus et qui a détruit des régions entières.

Pourtant malgré son caractère tragique, la catastrophe de Fukushima ne nous ramène pas 25 ans en arrière.

Le traitement de cette crise montre qu’un certain nombre de leçons ont été retenues. J’en veux pour preuve la rapidité des mesures d’évacuation des populations par les autorités japonaises et leur souci constant de ne pas exposer les travailleurs sur le site de Fukushima à des doses excessives de radioactivités.

Je pense à la transparence avec laquelle les populations dans le monde ont pu être informées sur le déplacement des masses d’air contaminées. Je veux parler de la mobilisation internationale pour fournir immédiatement à nos amis japonais des moyens d’expertise, de protection, et d’intervention. Et je voudrais m’arrêter un instant sur ce point.

Je pense que notre efficacité pourrait être grandement améliorée par la mise en place d’intervention rapide et spécifique en cas d’accident nucléaire.

A l’image de ce que nous avons développé au sein de l’Union européenne pour la sécurité civile, et en particulier pour les incidents de forêts. Pour bâtir cette force d’intervention collective, il faudrait que chacun de nous, responsables politiques, en concertation avec les industriels, et en nous appuyant sur les forces de sécurité civile, nous puissions identifier l’ensemble des moyens humains, matériels et techniques mobilisables de la façon la plus réactive possible, dès lors que surviendrait un accident nucléaire en un point quelconque de la planète.

Si nous parvenons à un accord sur le principe d’un tel dispositif, je veux dire que la France y apporterait une contribution active. Nous devrions également mettre en place un centre international de formation à la gestion de crise pour les exploitants des centrales nucléaires et les autorités gouvernementales, qui permettrait de travailler ensemble sur tous les scénarios à risques, et de promouvoir les meilleures pratiques et les ripostes les plus efficaces.

Les personnels formés par cette institution pourraient ainsi constituer la base de cette force d’intervention collective projetable, à la demande du pays concerné, en cas d’accident nucléaire majeur.
Le recours au nucléaire constitue un choix politique, économique, énergétique qui implique de la part des Etats une responsabilité immense. Les bénéfices qu’il apporte -l’indépendance énergétique, la maîtrise des coûts, les faibles émissions de CO2 - ne doivent jamais occulter le fait que l’usage du nucléaire est impossible sans la confiance des citoyens dans la fiabilité des dispositifs de sûreté.

La France a toujours défendu le principe d’une industrie nucléaire soumise aux plus hautes exigences de sûreté. Nous avons l’expérience du nucléaire civil depuis plus de quarante ans ; nous avons sans cesse recherché l’excellence technique et le niveau de vigilance le plus haut.
En 2006, nous avons mis en place une autorité indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire, véritable gendarme du secteur qui a le pouvoir de prescrire aux exploitants tous les travaux nécessaires à la sûreté et de les contraindre à la fermeture d’une centrale en cas de risques graves avérés. Au niveau de l’Union européenne, nous nous sommes accordés sur un cadre coordonné pour conduire des tests de résistance sur l’ensemble de nos centrales nucléaires, avec un système de revue par les pairs pour en assurer le haut niveau de qualité et d’homogénéité.
Nous avons aussi demandé que cette démarche soit adoptée par les pays voisins de l’Union européenne, pour que tous les citoyens de notre continent puissent bénéficier du même niveau d’exigence, avec la certitude qu’il n’y a aucun maillon faible dans la chaîne de sûreté.
Après la catastrophe de Fukushima, l’inaction est impossible, mais nous ne devons pas nous laisser entraîner dans des oppositions dogmatiques.

Le tout-nucléaire, comme le renoncement total au nucléaire sont des abstractions.

Nous devons être aussi pragmatiques sur les solutions énergétiques que nous sommes intransigeants sur la sûreté. Les équilibres énergétiques pertinents sont différents pour chacun de nos pays, notre solidarité est donc à chercher ailleurs, dans la prévention des risques, dans l’amélioration des technologies, dans le partage des connaissances et des moyens de répondre aux crises.
Au cours des prochains mois, plusieurs rendez-vous vont nous permettre de définir les modalités d’une coopération internationale renforcée.

Il y aura le Sommet du G8 en mai, une réunion des ministres et des autorités chargées de la sûreté nucléaire à laquelle nous souhaitons convier, le 8 juin prochain à Paris, les pays du G8 et les autres pays électro-nucléaires.

Et puis il y aura la Conférence internationale sur la sûreté qu’organisera l’AIEA à Vienne du 20 au 24 juin.

Je veux dire que ces rendez-vous, et en particulier cette Conférence, doivent être l’occasion pour prendre des engagements ambitieux sur la mise en oeuvre, partout dans le monde, des exigences de sûreté les plus hautes et pour faire en sorte qu’après Tchernobyl, après Fukushima, un autre nom de site nucléaire ne vienne jamais s’imprimer tragiquement dans la mémoire collective.

Mesdames et Messieurs, le risque zéro n’existe pas.

Mais notre volonté de responsabilité, de sécurité, de collaboration doit être maximale et je veux dire que c’est ainsi que nous serons à la hauteur des leçons douloureuses que nous infligent les drames de Tchernobyl et de Fukushima./.

(Source : site Internet du Premier ministre)


Pour lire le transcript de la Conférence de presse, Cliquez.

Dernière modification le 19/05/2011

haut de la page